Les femmes indiennes au pouvoir: le matriarcat des Nairs

femme nairSitué au sud ouest  de l’Inde, le Kérala est un des plus beaux Etats du continent par sa verdure flamboyante et ses splendides lacs, appelés les backwaters.

Le Kérala fut aussi nommée autrefois “la terre des femmes malayali” par les voyageurs occidentaux, qui furent impressionnés par la puissance de ces femmes.

L’Etat du Kérala, contredit aujourd’hui toutes les statistiques du pays par son taux d’alphabétisation avoisinant les 100%, une meilleure hygiène de vie, une espérance de vie plus longue et une égalité hommes femmes sans commune mesure avec le reste de l’Inde.

Cette réussite Le Kérala la doit beaucoup à ses femmes, celle du royaume des Nair en particulier. Aujourd’hui que reste-il du pouvoir détenu par les femmes
 quelques siècles plus tôt?

Les femmes Nair  au pouvoir

418px-Rani_Bharani_Thirunal_Lakshmi_Bayi_of_Travancore_(1848–1901)Au XVème siècle, au sein de la grande et puissante caste Nair, les femmes détenaient le pouvoir, pas sur des trônes royaux avec des armées gigantesques, mais en tant que chefs de ménages  avec  des positions souvent très importantes.  Les femmes ont été formées, respectées, allaient et venaient sans crainte ni censure. Elles étaient éduquées, et apprenaient la littérature, les sciences et les arts.

Les Nairs formaient la caste la plus élevée dans l’Etat kéralais, ce sont des descendants de nobles, de familles royales et occupaient des postes dans la fonction publique, la médecine, l’enseignement et le droit.

Les Nairs ont défié le reste de l’Inde, là où les schémas patriarcaux sont restés retranchés depuis les textes post-védiques renfermant les femmes au statut de sudras (de basse caste).

Lorsque Vasco de Gama est arrivé sur la côte Malabar, vers la fin du XVème siècle, il découvrit une civilisation avancée, riche et raffinée mais aussi une société où la femme avait une place centrale. Les Européens découvrirent alors le système matriarcal kéralais, qui bouleversa toutes les pensées venues d’Occident.

Découvir le Kérala

Le mariage matriarcal malayali

femme nair keralaLa cérémonie de mariage typique des Nair, appelé sambandam, était simple. Le fiancé donnait un morceau de tissu “mundu”, à la mariée en face d’une lampe dans la présence de la maîtresse de maison. Le mari  passait alors quelques jours à la maison de la mariée, appelé le tarawad et revenait ensuite à sa propre demeure.  Cette pratique est donc contraire à la tradition hindoue qui veut que l’épouse quitte définitivement le domicile parental pour s’installer chez l’époux.

Le mariage matriarcal était fondé sur le consentement mutuel et était dissoluble à volonté. La relation mari / femme n’était pas considéré comme sacré, et chacun était libre de quitter l’autre sans donner de justification.  De plus, La pratique de la polygamie et de la polyandrie était bien attestée dans certaines familles Nair, surtout dans la partie centrale du Kérala.

La Princesse Gowri Parvathi Bayi de la famille royale Travancore dont les ancêtres ont suivi la succession matrilinéaire depuis 700 ans a expliqué dans ses témoignages que les relations entre mari/femme ne sont pas celles que nous connaissons aujourd’hui. Elle affirme que : «Dans ce système, le mari et la femme avant le mariage ont conservé leurs identités individuelles, le maintien d’une relation très sympathique ».

Un peuple matrilinéaire

La femme la plus âgée est la maîtresse du tarwad, un vaste complexe résidentiel matriarcal avec plusieurs bâtiments: un temple, un grenier, des puits, des vergers, des jardins et des grandes propriétés foncières. L’homme le plus âgé, appelé karanavan (le frère de la maîtresse des lieux en général), s’occupait  de traiter les affaires de la maison et exécutait les décisions prises avec la maîtresse des lieux.

Les maris n’avaient pas d’obligation envers leurs enfants, ils respectaient leur mère et les honoraient et portaient une attention particulière à leurs sœurs ainsi qu’aux enfants de celles-ci. Le théologien Claude Buchanan écrivit à ce propos ceci :

“Aucun Naïr, ne connaît son père. Chaque homme regarde comme ses héritiers les enfants de sa sœur ; il les aime du même amour que dans les autres parties du monde, les pères aiment leurs enfants. On regarderait comme un monstre celui qui, à la mort d’un enfant qu’il supposerait sien à cause de la ressemblance et de la longue cohabitation avec la mère, montrerait autant de chagrin qu’à la mort d’un enfant de sa sœur”.

 L’apport des femmes Nair dans la société kéralaise


musicienne-nairUne grande partie de la force de ce système s’explique aussi par son évolution. Beaucoup de femmes ont été aussi adoptées dans des familles royales lorsqu’il n’y avait pas d’héritière. La famille royale de Travancore et ses reines sont très célèbres pour avoir combattu les libertés sociales et intellectuelles des femmes.

En 1811, la fille d’un musicien, Swathi Thirunal, a été adopté et devint reine à 20 ans. Elle a fait des changements radicaux, elle a aboli toutes les formes de l’esclavage, a interdit la surimposition des pauvres et a fait une refonte totale du système judiciaire afin de protéger ceux qui sont trop pauvres pour payer la justice.

  • En 1817, par un décret royal, elle donne accès à l’éducation à toutes les classes sociales.
  • En 1868, la Reine Gowri Lakshmi Bayi a commencé des campagnes de vaccination.
  • En 1925, la reine régente Setu Lakshmi abolit les sacrifices d’animaux dans les rites hindous et interdit la coutume locale des Devadasi, (des danseuses du temple) qui avait dégénérée en forme de prostitution dans les temples .

«Nos femmes d’antan étaient très bien informées, baignées dans le sanscrit et pouvaient correspondre avec des chercheurs, » dit Princesse Bayi. «Nos grands-mères, même parlaient couramment l’anglais. ». Les femmes du Kerala étaient des lectrices voraces, adepte de la musique et des arts et de n’ont jamais perdu leur temps. Même celles qui sont restées chez elles avaient le zèle d’acquérir des connaissances. »

Voyager au Kérala

les origines du système

Les historiens remontent à l’ère des guerres entre les Cholas et les Cheras, vers le Xème siècle après JC, époque à laquelle une loi avait été établie pour empêcher les hommes de fixer leur amour et leur attachement envers leur femme et leurs enfants, c’était une manière d’être plus disposé à se consacrer à des services de guerre.

Princesse Bayi le remonte à 1299, lorsque le roi Sangramadheera Ravi Varma, n’ayant pas de successeurs du côté de sa mère, a adopté deux princesses pour continuer la lignée. « Dès lors, la matrilinéarité est venu à être suivie par la caste des guerriers, les Kshatriya et  s’est ensuite propagée à d’autres communautés,» a t-elle indiquée.

La famille nucléaire l’emporte

femme-naireLe tournant se produit au début du XXème siècle avec l’arrivée des Britanniques, imposant leurs propres concepts éthiques en matière de mariage. Seuls les mariages monogames furent autorisés. La famille nucléaire est donc devenue la norme.

Le déclin de ce système matriarcal s’explique aussi par le fait qu’ à cette période, l’économie ne repose plus sur agriculture mais sur l’industrie et les modes de vie des Nairs n’étaient plus compatibles avec la modernisation. Au début du XXème siècle, ce système matriarcal disparaît ainsi que la polygamie et la polyandrie.

La famille nucléaire fut saluée comme apportant la modernité et la civilisation. Le matriarcat a été jugé «rétrograde» et «médiéval». La plupart des maisons et des terres ont été divisées entre les membres de la famille, désolidarisant ainsi les liens familiaux. Le Kerala a vu alors une vague de sans-abri, un phénomène déconcertant inconnu jusqu’alors dans le système familial matriarcal.

La maison matriarcale a maintenant disparu, remplacée désormais par la famille  nucléaire et avec elle, a disparu le pouvoir, jadis détenu par les femmes malayalis. De nos jours, ces femmes n’échappent pas non plus aux différents problèmes que connaissent les autres états indiens. Des récentes études ont montré l’augmentation de la violence envers les femmes au Kérala. C’est un des états où les violences conjugales par exemple, sont très importantes. (Enquête de ICRW, centre international de recherches sur les femmes).

Le kérala dévoile ses limites aujourd’hui, on est contraint de constater que l’éducation ne va pas forcément de pair avec une émancipation réussie.

Venez découvrir le Kérala  !

3 Comments

  1. michele says:

    salut

  2. Bonjour,
    Voilà un article très intéressant et très enrichissant !
    Etant allé au Kérala récemment, je me suis, en effet, aperçu qu’il y avait des restes de cette société matriarcale. C’est bien que les femmes puissent être à l’honneur devant les hommes. Cela change un peu !
    Pour illustrer et compléter cet article voici deux liens :
    http://www.laventurierpoete.com/
    https://www.youtube.com/channel/UCyynxnLU6JpEIHAok31aIRA
    Merci à tous.

  3. Kieffer Dominique says:

    Article passionnant, merci

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